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La trêve olympique qui s’ouvre cette semaine n’exclut pas de s’interroger sur la gouvernabilité du pays, plus de quinze jours après le second tour des élections législatives. Le délai que s’est accordé Emmanuel Macron pour nommer un successeur à Gabriel Attal, chargé, à la tête d’un gouvernement démissionnaire, de gérer les affaires courantes pour une durée indéterminée, est une première sous la Ve République. Il illustre la complexité de la situation et l’incertitude dans laquelle le pays se trouve plongé, à la veille d’une rentrée budgétaire à hauts risques.
Jamais, depuis sept ans, le pouvoir n’a été aussi partagé, jamais, il n’est apparu aussi dilué. A l’affaiblissement du chef de l’Etat, qui escomptait, par la dissolution du 9 juin, clarifier le paysage politique et n’a fait que le complexifier, répond la difficulté des parlementaires à s’approprier l’exercice des responsabilités. Les trois jours durant lesquels, du jeudi 18 juillet au samedi 20 juillet, l’Assemblée nationale nouvellement élue a mis en place sa gouvernance ont été dominés par de fortes tensions entre les groupes, une situation de quasi-cohabitation, alors qu’aucun d’eux ne dispose d’une majorité suffisante pour gouverner.
Pour ceux qui fustigent depuis des années, à raison, l’hyperprésidentialisation du régime, l’occasion est inespérée de revenir à l’esprit des institutions : un parlementarisme rationalisé dans lequel le premier ministre, responsable devant le Parlement, bénéficie de réelles capacités d’action, tandis que le président de la République est cantonné à un rôle d’arbitre. Encore faut-il s’entendre sur les règles du jeu : dans une Assemblée nationale où ne coexistent que des minorités, seule la création de coalitions peut garantir ce résultat. Beaucoup ont des difficultés à l’entendre.
L’impossibilité de la gauche à se mettre d’accord sur le nom d’un prétendant à Matignon, alors que le Nouveau Front populaire, arrivé en tête du second tour des législatives, pouvait légitimement prétendre gouverner à condition de s’ouvrir, illustre la première difficulté de la période : à partir du moment où ce bloc reste dominé par sa frange la plus radicale, incarnée par Jean-Luc Mélenchon, la contestation risque de rester, comme entre 2022 et 2024, le principal mode d’expression de la gauche.
A droite, la stratégie de Laurent Wauquiez, consistant à poser sur la table un certain nombre de propositions sans adhérer au principe d’une coalition avec les macronistes, illustre le deuxième écueil : le second mandat d’Emmanuel Macron étant borné, la question de sa succession prime désormais sur toute autre considération. Obnubilés par l’échéance de 2027, les prétendants à l’élection présidentielle, de quelque bord qu’ils soient, ne sont incités à s’impliquer dans la situation actuelle que pour autant que cela ne nuise pas à leurs intérêts.
La présence en force du Rassemblement national, qui a plus que doublé le nombre de ses députés mais perdu en retour toute représentativité dans la gouvernance de l’Assemblée, est un troisième facteur de trouble : en qualifiant de « zone de non-droit » le Palais-Bourbon, Marine Le Pen a signifié qu’elle allait se présenter comme la victime « du système » et tout faire pour le délégitimer.
Pour ces trois raisons, le risque est réel que le Parlement, au lieu de la réhabilitation espérée, s’abîme dans le régime des partis, ce système que le fondateur de la Ve République fustigeait lorsqu’il évoquait « une scène de contradictions sur un théâtre d’impuissance ». Il n’y aurait alors que des perdants. Mais qui en a pris conscience ?
Le Monde
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